Waterfall

Messages : 11 Date d'inscription : 06/12/2018

La nuit était calme, mais encore une fois, elle refusait de lui accorder le sommeil. Quelle heure était-il ? Ou plutôt, à quelle partie de la nuit étaient-ils ? Où était la lune dans le ciel ? Difficile de savoir — d’épais nuages cachaient le ciel et les Étoiles, et la vie des vivants à toutes les âmes virevoltant tout là haut.
Source de Secrets s’étira, allongeant la nuque et étendant les pattes pour détendre tous les muscles de son corps et en chasser le sommeil. Sa queue traina dans une flaque d’eau, mais là où l’ancienne Source aurait chassé l’eau et se serait assise pour la nettoyer de longs coups de langue, la nouvelle Source l’ignora. La nouvelle Source, celle qui apprenait à connaître une moitié d’elle-même, seule.

Veillant à ne réveiller personne, elle s’assura que Coup de Foudre était bien dans le camp — bien. Entouré des autres, il y avait moins de risque d’une attaque, et si jamais ça venait à arriver, le boucan rassemblerait autour de lui plusieurs guerriers pour l’aider et lui sauver la vie. Elle pourrait partir presque tranquille.

Ses pas la menèrent aux Rochers du Soleil. Là où elle avait appris que sa famille ne l’était pas vraiment, où on avait fait coulé sur elle tous les mensonges qui pesaient sur elle comme la lourde pluie de cet après-midi, où elle avait tout dit à son père adoptif, où ils s’étaient moqué d’Étoile Masquée, où elle... apprenait à nager.
Tout en haut du rocher, la rivière avait l’air bien calme. La lune n’était pas là pour s’y refléter et illuminer ses petites vagues, lui donnant une apparence plate, comme un lit silencieux. Si elle y sautait, la bicolore pourrait presque s’attendre à retomber sur ses quatre pattes dans une longue flaque gigantesque.
Mais elle savait que ce n’était pas le cas. Elle ferma les yeux, et se laissa tomber.

Et tout autour d’elle, l’eau engloutit son corps, tandis qu’elle se laissait emporter dans les profondeurs.

Admin Messages : 278 Date d'inscription : 18/04/2016

Monter sur le caillou, fait. Entraîner Ciel, fait. Puis la patrouille du matin des pelages pâles était rentrée et il avait croisé Coeur de Puma, qui avait pesé son regard dans le sien. Il voulait sa discussion - il ne l'aurait pas aujourd'hui. Coup de Foudre avait cherché Source, ne l'avait pas trouvée, et le soleil s'était mis à tomber sur cette journée interminable qu'elle lui avait paru durer quatre lunes. Il avait mené sa patrouille de pelages sombres au delà de la palissade de ronces, les surprenant par le tranchant de ses ordres. Coup de Foudre était un chat qui se traînait les pattes et qui marchait dans les branches des arbres, on aurait dit que personne ne s'était attendu à cette nouvelle "rigueur". Cette "nouvelle" rigueur - elle n'était pas nouvelle. C'était ce que le Clan voulait de lui après tout, et pour retrouver leur confiance, il était prêt à se redresser, à soigner son apparence, à taire l'amusement dans son ton, à cesser de provoquer pour jouer. Et lorsqu'on le lui avait relevé - un guerrier à qui lui manquait la légèreté habituelle du bengal - ce-dernier avait rétorqué que la sécurité du Clan n'était pas un jeu, ce qui lui avait fait gagner ne serait-ce que quelques miettes du respect des vétérans de sa patrouille.

C'est seulement en rentrant qu'il vit le pelage noir et blanc de sa fille, et si son premier réflexe fut de vite marcher vers elle, il s'interrompit aussitôt en la voyant, tête basse, marcher auprès de Bec Croisé. Tout deux semblaient revenir d'un moment seuls-à-seuls, et le bengal agita nerveusement sa queue avant de choisir de les laisser tranquilles. Il en avait de toute manière trop dit, mieux valait laisser la poussière retomber - et puis, après aujourd'hui, une longue séance de toilette s'annonçait. Il avait trouvé Oeil du Tigre pour ce faire, car Tigre et lui avaient besoin de parler, mais lorsqu'il voulut l'inviter à le rejoindre dormir avec lui dans la tanière des guerriers Coup de Foudre s'était braqué. Pourquoi pas dans son antre de chef, alors? "Non" "Au cas où Raton ne revienne", il avait prétendu, et Tigre l'avait bien grondé. " Tu comptes dormir où alors??? "

Le bengal avait regardé longuement la vieille souche qui cachait la tanière des anciens - se recroqueviller contre Printemps Fatigué l'obsédait, mais non. Comme la veille avant aujourd'hui il choisit l'inconfort des branches des arbres du campement, quitte à se réveiller le lendemain avec des courbatures. Ou quitte à se réveiller détrempé par la pluie.

L'aube au lendemain chargea l'atmosphère du camp d'une tension quasi-palpable, surtout lorsque les guerriers virent leur chef-en-devenir monter le promontoire à nouveau (ou le "caillou", comme il l'appelait). Cette fois pas de rassemblement - cette fois, attribution des tâches et des patrouilles. Les plus vieux croyaient rêver, après le chaos cet hiver, pendant l'épidémie, où le Lieutenant les laissait se démerder avec qui va où, le voir se démener avec leurs noms était d'un étrange réconfort. On n'y croyait pas si vite, cependant, ça ne faisait qu'un jour, et un jour n'était pas assez pour faire ses preuves. Coup de Foudre envoya un groupe de pelages pâles chasser, puis il alla trouver Nuage de Ciel pour un entraînement dans les parties plus denses de la forêt.

Lorsqu'il revint il avait des branches dans les poils, des feuilles sur la tête, et Ciel peinait à soulever sa belle queue aux longs poils. Le soir était tombé, Coup de Foudre somma les pelages sombres du matin de l'accompagner dans la patrouille nocturne, et c'est pendant celle-ci qu'on lui demanda "s'il allait bien". Cette question le prit de court, et il ne trouva rien à répondre. On lui demanda "si ce ne serait pas mieux de se trouver un Lieutenant?", mais il balaya l'inquiétude d'un coup de queue et d'un grommellement. Qui accepterait d'aider un hérétique? Personne ne lui répondit, et on trouva triste de voir ce chat vif d'esprit, habitué aux foules, à la réputation de blagueur, à la réputation de charmeur, non plus amorphe comme il y a presque un cycle (à l'époque de la mort de leur guérisseuse), mais bouché. Fermé. Impénétrable. Il revint de patrouille plus fatigué encore que la veille, et comme la veille on lui proposa de dormir avec les autres guerriers - il refusa.

Son regard se hasarda dans les branches des arbres du campement, son nouveau berceau, mais un mouvement à sa dérobée lui fit tourner la tête. Une fourrure noire et blanche se profila dans l'obscurité de la nuit et le bengal sentit ses yeux s'arrondir. Source - et personne autour d'elle. Il s'immobilisa complètement dans le campement... et se mit en chasse.

Il la suivit entre les arbres jusqu'à ce qu'il ne reconnaisse le chemin. Elle allait aux Rochers du Soleil - il se demanda une seconde si elle se dirigeait vers la renardière, mais son soupçon mourrut avec le pas de la guerrière qui monta les pierres. Une part de lui lui cria de monter avec elle, mais une autre le fit silencieusement se ranger dans les ombres, en retrait, à regarder de loin sa fille écrasée par sa peine et sa sollitude. La dernière fois qu'il l'avait vue, elle s'étouffait sur son souffle,

qui

se

sac

cadait,

en sanglots.

Mais à l'instant, elle semblait aussi calme que l'était la Rivière.

C'est dans ce calme qu'elle bascula vers l'avant, et soudain le bengal se hérissa et se rua vers la berge avant de... s'asseoir, et ce en prenant le temps de se rassembler, sans quitter des yeux le point qui avait englouti sa fille.

Messages : 11 Date d'inscription : 06/12/2018

Source de Secrets ouvrit les yeux. Au dessus d’elle, une nuée de bulles d’oxygène s’élevait pour rejoindre la surface. Ne pas paniquer, ne pas inspirer. Il lui restait encore de l’air dans les poumons, elle avait le temps. La tête toujours levée vers la surface, elle agita une de ses pattes arrières à la recherche du sol vaseux. Toujours rien. Elle s’efforça de se calmer, de ne pas jouer sur sa respiration pour chasser l’anxiété car les choses fonctionnaient différemment dans l’eau. Non, la rivière n’était pas devenue subitement plus profonde depuis la dernière fois, le sol n’allait plus tarder.
Et — ah, se dit elle lorsqu’une de ses griffes effleura une sorte de poussière dense et visqueuse. Voilà. Elle rassembla ses pattes arrières et après avoir trouvé un bon appui sur le sol, se propulsa jusqu’à la surface en un petit saut qui ne l’aurait pas menée très loin à l’extérieur. Mais ici, c’est comme si la gravité ne faisait plus aucune loi.

Sa gueule s’ouvrit en grand, prenant l’air qui lui avait manqué pendant ces longues secondes. Immédiatement, ses pattes s’agitèrent à la recherche d’un rebord pour sortir de là. Elle avait beau partager le sang de la rivière, la guerrière n’était clairement pas une nageuse née.
Mais quelque chose retint son attention au moment précis où l’eau quitta ses yeux pour la laisser voir plus clairement dans l’obscurité de la nuit. Il y avait un visage familier — Coup de Foudre ? Non! Que venait-il faire ici ? L’avait-il vue ? Allait-il sauter ? En quelque coups de patte elle rejoignit le rivage, suivant le sens de la rivière.

Pas le temps de s’ébourrer, elle voulait rejoindre son père, l’atteindre avant qu’il ne meurt ! L’eau alourdissait son pelage, le collait contre son corps, aussi mince que celui de sa mère, lui donnant une apparence toute autre.
L’eau sous ses pattes affectait son adhérence à la pierre, aussi elle glissa et se cogna le menton contre la roche. Source de Secrets sorti les griffes pour remédier immédiatement à ce soucis, ignora la douleur, et se présenta à son père aussi vite qu’elle le pu.

Le voir en haut d’un rocher lui rappela très vivement ses paroles, son projet de mourir, et ce souvenir déforma son visage pour emprunter une expression de détresse, de tristesse. L’air se faisait eau, et même ici elle avait l’impression de ne plus pouvoir respirer.

— Pa—

Elle était venue ici avec son père, avant qu’il ne meurt. Elle était venue ici avec sa mère, avant qu’il ne meurt. Non loin, la renardière. Là où Secret du Firmament aimait venir avant de mourir.
Et maintenant ? Allaient-ils lui prendre sa dernière famille ? Elle sentait qu’ils essayaient déjà de lui enlever, de lui faire payer son sang souillé — déjà la veille, quand son propre frère avait préféré rejoindre Nuage Brisé, alors déjà bien entouré, plutôt que de venir la voir elle qui était seule et qui suffoquait. Quand ses sœurs l’avaient laissées seule. Seul Bec avait fini par venir — était-ce par dépit ? Non, Bec était un bon frère mais...
Peu importe. Peu importe si elle ne pouvait plus être membre de cette famille tant qu’il était vivant. Elle abandonnerait sa vie, ses liens, son Clan et tout le reste s’il le fallait pour qu’il reste dans cette forêt mais — bon sang elle ne pouvait même plus prier le Clan des Étoiles pour un blasphèmateur. Ô Grand Brouillard, Ô Forêt Sombre ou peu importe ! Elle voulait juste qu’on lui laisse son père vivant.